Une Église en question

Publié le par Albert Dugas

 Texte sur l'Église
 
Texte donné lors de la participation du père Zoël Saulnier à la table ronde de l'Université de Moncton, Campus de Shippagan
 
En toute lucidité, je vous dis que l’avenir de l’Église n’est pas tout  tracé, mais il reste grand ouvert. Dans mon livre 553 rue Stella Maris, dans le questionnement de Jacques qui est le mien, j’ai osé penser par moi-même afin que l’avenir de mon Église dans laquelle j’ai investi toute ma vie ait un autre avenir que celui d’une vente de garage. Poser des questions non pas pour démolir, mais pour essayer de mieux comprendre pour mieux m’engager. Oser poser des questions pour ne pas être le perroquet qui est le répétiteur de vérités imposées. Ni la gueule de bois de qui que ce soit.
 
Comme homme d’église et heureux de l’être sans me défiler, j’ai toujours voulu être le promoteur d’une réflexion chrétienne et non le gardien  d’un passé qui a perdu sa signification, j’ai voulu être non le dominateur mais  l’accompagnateur en marchant avec les autres au cœur de nos projet personnels, collectifs et culturels. J’ai toujours vécu mon expérience d’Église comme une expérience de liberté  à la suite de Jésus au  risque même de me tromper.
 
Dans une fracture culturelle majeure, la rupture entre la parole de l’Évangile portée par l’Église et la culture, entre ce deux univers culturels,  à cet effet je vous dirais que notre Église n’a pas d’autre choix que d’entrer dans plusieurs passages :
                 --le passage d’une Église puissante à une Église fragile : une Église qui ose montrer sa fragilité et qui se mette à hauteur  d’homme et de femme ne cachant pas qu’elle est fragile, qu’elle ne sait pas tout  et qu’elle aussi comme moi et Jacques se pose des questions. Une Église aussi fragile que la vie pour risquer des chemins de beauté et de liberté. L’Église doit se rappeler que ce n’est pas elle qui la lumière des nations, mais le Christ lui-même.
           
Cette Église faite d’un élément humain et divin n’est pas en dehors du temps mais  rebondit de crise en crise et qui consent à se perdre, à avancer dans l’incompréhension et construire des repères nouveaux.
                 --le passage d’une Église rivale, hostile à une Église partenaire : cette église prise elle-même dans les remous de l’histoire avec ses ombres et ses lumières comme ses membres.
                 --le passage d’une Église englobante, centralisée,  à une Église de la rencontre, de communion, de l’écoute qui ose plaider coupable comme l’a fait Jean-Paul 11 en l’an 2000. Comme lieu où se vit la religion, l’Église doit renoncer à cette tendance à lier son autorité à la conservation du passé. Si l’Église veut libérer le monde, il faut qu’elle travaille avant tout à se libérer elle-même de ses œillères. L’authentique mission que le Christ lui a confiée doit servir avant tout la cause de l’humanité dans un dialogue et dans la créativité, et non par un mode d’enseignement répressif et d’exclusion.
                --le passage d’une Église du nombre  à une Église où émerge une seule chose : le dynamisme de l’Évangile dont l’objectif n’est pas de soigner son image ni de se centrer sur son organisation interne, mais dont  l’unique objectif  est de  nous renvoyer à la vérité de l’Évangile qui est sa raison d’être. Comme Jésus, l’insoumis de son époque qui pendant toute sa vie s’est exposé à tout venant,  l’Église doit s’exposer à notre culture  et s’incarner en elle et se laisser interpeller par les questions et les idées nouvelles.
 
Je voudrais que mon Église nourrisse les questionnements comme les signes de notre temps et ainsi le questionnement aura un rôle fondateur dans cette Église qui est à refaire et qui la rendra plus humaine.
            
Je rêve d’une Église plus décentralisée dans une autorité partagée afin  que l’aspect collégial de l’Église soit vrai et non seulement un vœu pieux. Que le ministère de l’unité du pape au service de l’Église universelle soit en lien de communion avec tous les évêques successeurs des apôtres et contrer ainsi l’influence castrante de la Curie romaine. Que les évêques retrouvent dans leurs églises les marges de manœuvre que nous retrouvons dans les Actes des Apôtres, car leurs églises respectives ne sont pas des succursales de Rome.
           
Je voudrais une Église qui  se libère de tous les carcans et de toute forme qui lui ôte toute  spontanéité. Elle doit intégrer la modernité qu’elle a laissée à l’abandon et chercher dans notre monde des sources nouvelles d’inspiration. C’est alors qu’elle pourra se vivre de l’intérieur, si elle sait se saisir de toute cette vie qui est à l’extérieur de ses murs. Elle pourra célébrer enfin la vie telle qu’elle se vit. En s’humanisant, l’Église sera de son temps comme Jésus était de son temps. Une Église profondément humaine sera vraiment chrétienne.
           
Pour que l’Église ne devienne un désert spirituel il faut à tout prix   qu’elle entame des réformes égalitaires où les femmes et les hommes sont appelés à toutes les fonctions au service du peuple de Dieu. Que nous passions d’une Église machiste où les femmes et les hommes soient enfin au cœur des  décisions de l’Église selon les besoins nouveaux des femmes et des  hommes d’aujourd’hui au-delà des prescriptions canoniques.
          
L’Évangile est un message de bonheur pour aujourd’hui et pas seulement ; pour demain d’où l’urgence de trouver dans la diversité et l’enrichissante complémentarité de ses membres des moyens pour porter au monde cette bonne nouvelle. A besoins nouveaux, réponses nouvelles. Sentez-vous que notre Église vit cet adage en plénitude ? Voilà une question qui nous invite clercs et laïcs à une réponse qui nous engage et nous responsabilise. Il est plus facile de déserter l’Église au lieu de se remettre en question avec cette Église dont je suis partenaire depuis mon baptême.
           
 Qu’on cesse le calfeutrage du bateau qui coule et qu’ensemble on recommence une Église qui dans son parcours deux fois millénaire dans un monde où être chrétien et chrétienne n’est plus le fruit assuré de la transmission d’un héritage mais le fait d’une réponse personnelle à un appel.

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